Un accès à l’art pictural pour les personnes malvoyantes
MIS EN LIGNE LE 29/01/2017 À 17:42 PAR CLAIRE DUPONT (ST.)
La Maison de quartier Malibran à Ixelles propose une exposition étonnante.
L’exposition permet de « voir avec les doigts ».
La maison de quartier Malibran accueille jusqu’à dimanche l’exposition Touch To See. Une animation créée par deux ophtalmologues dans le but de rendre l’art accessible aux aveugles et malvoyants.
A l’origine du projet, une rencontre, entre Stéphanie Skolik qui allie son métier d’ophtalmologue et sa passion de la peinture et Laure Casper, chef de clinique en ophtalmologie au CHU Saint-Pierre et directrice du fonds de recherche en ophtalmologie.
Tout a commencé dans les années 80, alors qu’elles sont chercheuses en ophtalmologie au National Institutes of Health à Bethesda dans le Maryland.
Leur objectif ? Apporter aux malvoyants quelque chose de plus que leurs connaissances médicales. Les années passent et en 2013, lors d’une discussion, elles évoquent l’idée de combiner leur maîtrise en ophtalmologie et le goût pour l’art du Docteur Skolik. Réussir à faire partager le plaisir de l’art pictural par le toucher était le but qu’elles s’étaient fixé.
« Je vis dans un monde où la vision est capitale, précise Stéphanie Skolik. En tant qu’ophtalmologue, je me rends compte du risque important que courent certains patients de perdre la vue. J’ai donc envie de partager ma chance de bien voir et de faciliter la rencontre entre ceux qui voient et ceux qui ont des difficultés dans ce domaine. C’est mon travail de médecin et ma passion d’artiste. »
Le concept est simple. Des tableaux peints par le Dr Skolik sont représentés, avec pour chacun un moulage en terre glaise et une explication en braille correspondant. L’exposition se veut interactive et en même temps participative. Chaque personne est invitée à toucher à l’aveugle le moulage et imaginer la représentation qu’il pourrait avoir. In fine, le but est d’appréhender les difficultés que rencontrent les malvoyants.
L’exposition prend place pour la première fois en 2015 au Huntington Museum of Art en Virginie-Occidentale. Cette première exhibition rencontra un franc succès.
A l’occasion de son vingtième anniversaire, le fonds pour la recherche en ophtalmologie a sollicité le soutien de Romain De Reusme (PS), échevin de l’Egalité des chances de la commune d’Ixelles, afin de mettre sur pied l’exposition dans la maison de quartier Malibran. Dans l’espace mis à disposition, trente tableaux ont pris place ainsi que leurs moulages.
Lors de la visite, une malvoyante, en touchant l’explication en braille, s’interroge sur la définition de l’expression « polar lights » (aurore boréale). « Mais qu’est-ce ? », sourit-elle. « La traduction n’a pas du être réalisée », précise un voisin.
Jean-Luc Pening, bio-ingénieur, a perdu accidentellement la vue, il y a 25 ans. Aujourd’hui, 20 ans après, « J’ai dû recommencer à zéro, même moins que zéro, je suis reparti j’ai saisi tout ce qui se passait à ma portée ».
Présent à l’exposition Touch to See, il attire l’attention sur le fait que « c’est le côté partage, se retrouver avec des gens aveugles, des gens qui voient et qui parlent de quelque chose et qui transmettent leur ressenti, c’est ce qui est le plus fort, le plus intéressant ». Il ajoute : « le côté implication est important pour les personnes handicapées. On se retrouve un peu seuls, il y a tout ça qui bouge autour de nous ».
Et Laure Casper de conclure : « Le but de cette exposition est de permettre aux malvoyants de voir par le toucher, de rapprocher les malvoyants et aveugles des personnes ayant la chance de bien voir et de donner à tous une chance de mieux se comprendre. Cette exposition permet également de parler de la malvoyance, de son extension auprès de la population âgée et de la nécessité de promouvoir la recherche en ophtalmologie. ».
Rue de la Digue 10 à Ixelles, jusqu’au 29 janvier, de 14 à 20 heures.